Page:About - La Question romaine.djvu/46

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ou la maison de Lucrèce Borgia, vous vous engagez par accident au milieu de ces rues étroites et pavées d’immondices, vous coudoierez quelques milliers de gens perdus, voleurs, escrocs, joueurs de guitare, modèles, mendiants, cicerones, rufians de leurs femmes et de leurs filles. Avez-vous affaire à eux ? Ils vous donneront de l’Excellence, vous baiseront les mains et emporteront votre mouchoir. Je ne crois pas qu’en aucun lieu de l’Europe, pas même à Londres, on rencontre une pire engeance. Du reste, ils sont tous pratiquants, sans toutefois croire en Dieu. La police est pleine de tolérance ; elle les inquiète rarement. Ils vont bien en prison quelquefois, mais un mot de recommandation ou l’insuffisance du local les rend bientôt à la liberté. Leurs voisins, ouvriers honnêtes, s’égarent comme eux de temps à autre. Ils ont gagné gros en hiver et tout mangé en carnaval, suivant l’usage. L’été vient, les étrangers s’en vont ; plus de travail et plus d’argent. L’éducation morale, qui pourrait les soutenir, leur manque. Le besoin de paraître, maladie romaine, les tracasse. La femme se vend, si elle est jolie, ou c’est l’homme qui fait un mauvais coup.

Ne les jugez pas trop sévèrement ; songez qu’ils n’ont rien lu, qu’ils ne sont jamais sortis de Rome, que l’exemple du faste leur est donné par les cardinaux, l’exemple de l’inconduite par les prélats, l’exemple de la vénalité par les fonctionnaires, l’exemple du gaspillage par le ministère des finances. Songez surtout qu’on a pris soin d’arracher de leur cœur, comme une