Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/105

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Et ne croyez pas qu’il leur en coûterait plus cher : bien au contraire ! Si tous ceux qui voyagent dans le royaume arrivaient nécessairement dans mes mains, je pourrais taxer le passant à une somme insignifiante. Que chaque indigène et chaque étranger me donne seulement un quart pour cent sur le chiffre de sa fortune, je gagnerai sur la quantité. Alors le brigandage ne sera plus qu’un impôt sur la circulation : impôt juste, car il sera proportionnel ; impôt normal, car il a toujours été perçu depuis les temps héroïques. Nous le simplifierons, s’il le faut, par les abonnements à l’année. Moyennant telle somme une fois payée, on obtiendra un sauf-conduit pour les indigènes, un visa sur le passeport des étrangers. Vous me direz qu’aux termes de la constitution nul impôt ne peut être établi sans le vote des deux Chambres. Ah ! monsieur, si j’avais le temps ! J’achèterais tout le Sénat ; je nommerais une Chambre des députés bien à moi ; la loi passerait d’emblée : on créerait, au besoin, un Ministère des grands chemins. Cela me coûterait deux ou trois millions de premier établissement : mais en quatre ans je rentrerais dans tous mes frais…, et j’entretiendrais les routes par-dessus le marché ! »

Il soupira solennellement, puis il reprit : « Vous voyez avec quel abandon je vous raconte mes affaires. C’est une vieille habitude dont je ne me déferai jamais. J’ai toujours vécu non seulement au grand air, mais au grand jour. Notre profession serait honteuse si on l’exerçait clandestinement. Je ne me cache pas, car je n’ai peur de personne. Quand vous lirez dans les journaux qu’on est à ma recherche, dites sans hésiter que c’est une fiction parlementaire : on sait toujours où je suis.