Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/176

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j’entends deux voix haletantes qui me crient : « Arrête ! arrête ! » Je n’arrête pas. Je perds le chemin, et je cours toujours, sans savoir où je vais. Un fossé se présente, large comme une rivière ; mais j’étais trop bien lancé pour mesurer les distances. Je saute : je suis sauvé. Mes bretelles cassent, je suis perdu !

Vous riez ! Je voudrais bien vous voir courir sans bretelles, en tenant des deux mains la ceinture de votre pantalon ! Cinq minutes après, monsieur, les brigands m’avaient rattrapé. Ils s’étaient cotisés pour me mettre des menottes aux poignets, des entraves aux jambes, et ils me poussaient à grands coups de gaule vers le camp d’Hadgi-Stavros.

Le Roi me reçut comme un banqueroutier qui lui aurait emporté quinze mille francs. « Monsieur, me dit-il, j’avais une autre idée de vous. Je pensais me connaître en hommes : votre physionomie m’a bien trompé. Je n’aurais jamais cru que vous fussiez capable de nous faire tort, surtout après la conduite que j’avais tenue envers vous. Ne vous étonnez pas si je prends désormais des mesures sévères : c’est vous qui m’y forcez. Vous serez interné dans votre chambre jusqu’à nouvel ordre. Un de mes officiers vous tiendra compagnie sous votre tente. Ceci n’est encore qu’une précaution. En cas de récidive, c’est à un châtiment qu’il faudrait vous attendre. Vasile, c’est toi que je commets à la garde de monsieur. »

Vasile me salua avec sa politesse ordinaire.

« Ah ! misérable ! pensai-je en moi-même, c’est toi qui jettes les petits enfants dans le feu ! c’est toi qui as pris la taille de Mary-Ann ! c’est toi qui as voulu me poignarder le jour de l’Ascension.