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Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/177

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Eh bien j’aime mieux avoir affaire à toi qu’à un autre. »

Je ne vous raconterai pas les trois jours que je passai dans ma chambre en compagnie de Vasile. Le drôle m’a procuré là une dose d’ennui que je ne veux partager avec personne. Il ne me voulait aucun mal ; il avait même une certaine sympathie pour moi. Je crois que, s’il m’eût fait prisonnier pour son propre compte, il m’aurait relâché sans rançon. Ma figure lui avait plu dès le premier coup d’œil. Je lui rappelais un frère cadet qu’il avait perdu en Cour d’assises. Mais ces démonstrations d’amitié m’importunaient cent fois plus que les plus mauvais traitements. Il n’attendait pas le lever du soleil pour me donner le bonjour ; à la tombée de la nuit, il ne manquait jamais de me souhaiter des prospérités dont la liste était longue. Il me secouait, au plus profond de mon repos, pour s’informer si j’étais bien couvert. À table, il me servait comme un bon domestique ; au dessert, il me contait des histoires ou me priait de lui en apprendre. Et toujours la griffe en avant pour me serrer la main ! J’opposais à son bon vouloir une résistance acharnée. Outre qu’il me semblait inutile de coucher un rôtisseur d’enfants sur la liste de mes amis, je n’étais nullement curieux de presser la main d’un homme dont j’avais décidé la mort. Ma conscience me permettait bien de le tuer : n’étais-je pas dans le cas de légitime défense ? mais je me serais fait scrupule de le tuer par trahison, et je devais au moins le mettre sur ses gardes par mon attitude hostile et menaçante. Tout en repoussant ses avances, en dédaignant ses politesses, en rebutant ses attentions, je guettais soigneusement l’occasion de