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Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/183

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retourner la tête en arrière, le vertige me prenait et je me sentais aller à l’abandon. Pour soutenir mon courage, je m’exhortais moi-même ; je me parlais tout haut entre mes dents serrées. Je me disais : « Encore un pas pour mon père ! encore un pas pour Mary-Ann ! encore un pas pour la confusion des brigands et la rage d’Hadgi-Stavros. »

Enfin mes pieds posèrent sur une plate-forme plus large. Il me sembla que le sol avait changé de couleur. Je pliai les jarrets, je m’assis, je retournai timidement la tête. Je n’étais plus qu’à dix pieds du ruisseau : j’avais gagné les rochers rouges. Une surface plane, percée de petits trous où l’eau séjournait encore, me permit de prendre haleine et de me reposer un peu. Je tirai ma montre : il n’était que deux heures et demie. J’aurais cru, quant à moi, que mon voyage avait duré trois nuits. Je me tâtai bras et jambes, pour voir si j’étais au complet ; dans ces sortes d’expéditions, on sait ce qui part, on ne sait pas ce qui arrive. J’avais eu du bonheur : j’en étais quitte pour quelques contusions et deux ou trois écorchures. Le plus malade était mon paletot. Je levai les yeux en l’air, non pas encore pour remercier le ciel, mais pour m’assurer que rien ne bougeait dans mon ancien domicile. Je m’entendis que quelques gouttes d’eau qui filtraient à travers ma digue. Tout allait bien ; mes derrières étaient assurés ; je savais où trouver Athènes : adieu donc au Roi des montagnes !

J’allais sauter au fond du ravin, quand une forme blanchâtre se dressa devant moi, et j’entendis le plus furieux aboiement qui ait