Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/184

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jamais éveillé les échos à pareille heure. Hélas ! monsieur, j’avais compté sans les chiens de mon hôte. Ces ennemis de l’homme rôdaient à toute heure autour du camp, et l’un d’eux m’avait flairé. Ce que j’éprouvai de fureur et de haine à sa rencontre est impossible à dire ; on ne déteste pas à ce point un être déraisonnable. J’aurais mieux aimé me trouver face à face avec un loup, avec un tigre ou un ours blanc, nobles bêtes qui m’auraient mangé sans rien dire, mais qui ne m’auraient pas dénoncé. Les animaux féroces vont à la chasse pour eux-mêmes ; mais que penser de cet horrible chien qui m’allait dévorer bruyamment pour faire sa cour au vieil Hadgi-Stavros ? Je le criblai d’injures ; je fis pleuvoir sur lui les noms les plus odieux ; mais j’avais beau faire, il parlait plus haut que moi. Je changeai de note, j’essayai l’effet des bonnes paroles, je l’interpellai doucement en grec, dans la langue de ses pères ; il ne savait qu’une réponse à tous mes propos, et sa réponse ébranlait la montagne. Je fis silence, c’était une idée ; il se tut. Je me couchai parmi les flaques d’eau ; il s’étendit au pied du rocher en grognant entre ses dents. Je feignis de dormir ; il dormit. Je me laissai glisser insensiblement vers le ruisseau ; il se leva d’un bond, et je n’eus que le temps de remonter sur mon piédestal. Mon chapeau resta entre les mains ou plutôt entre les dents de l’ennemi. L’instant d’après, ce n’était plus rien qu’une pâte, une marmelade, une bouillie de chapeau ! Pauvre chapeau ! je le plaignais ; je me mettais à sa place. Si j’avais pu sortir d’affaire moyennant quelques morsures, je n’y aurais pas regardé de trop près, j’aurais fait la part du