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Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/185

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chien ; Mais ces monstres-là ne se contentent pas de mordre les gens, ils les mangent !

Je m’avisai que sans doute il avait faim ; que, si je trouvais de quoi le rassasier, il me mordrait probablement encore, mais il ne me mangerait plus. J’avais des provisions, j’en fis le sacrifice ; mon seul regret était de n’en avoir pas cent fois plus. Je lui lançai la moitié de mon pain ; il l’engloutit comme un gouffre : figurez-vous un caillou qui tombe dans un puits. Je regardais piteusement le peu qui me restait à lui offrir, quand je reconnus au fond de la boîte un paquet blanc qui me donna des idées. C’était une petite provision d’arsenic, destinée à mes préparations zoologiques. Je m’en servais pour empailler des oiseaux, mais aucune loi ne me défendait d’en glisser quelques grammes dans l’enveloppe du chien. Mon interlocuteur, mis en appétit, ne demandait qu’à poursuivre son repas. « Attends, lui dis-je, je vais te servir un plat de ma façon… » Le paquet contenait environ trente-cinq grammes d’une jolie poudre blanche et brillante. J’en versai cinq ou six dans un petit réservoir d’eau claire, et je remis le reste dans ma poche. Je délayai soigneusement la part de l’animal ; j’attendis que l’acide arsénieux fût bien dissous ; je plongeai dans la solution un morceau de pain qui but tout, comme une éponge. Le chien s’élança de bon appétit et avala sa mort en une bouchée.

Mais pourquoi ne m’étais-je pas muni d’un peu de strychnine, ou de quelque autre bon poison plus foudroyant que l’arsenic ? Il était plus de trois heures, et les essais de mon invention se firent cruellement attendre. Vers la demie, le chien se mit à hurler de toutes ses forces. Je n’y