Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/21

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chez les frères Philip ; le soir, il lisait Emerson ; le matin, à l’heure étincelante où le soleil se lève, il allait à la maison de Socrate tirer le pistolet.

Le personnage le plus intéressant de notre colonie était sans contredit John Harris, l’oncle maternel du petit Lobster. La première fois que j’ai dîné avec cet étrange garçon, j’ai compris l’Amérique. John est né à Vandalia, dans l’Illinois. Il a respiré en naissant cet air du nouveau monde, si vivace, si pétillant et si jeune, qu’il porte à la tête comme le vin de Champagne, et qu’on se grise à le respirer. Je ne sais pas si la famille Harris est riche ou pauvre, si elle a mis son fils au collège ou si elle l’a laissé faire son éducation lui-même. Ce qui est certain, c’est qu’à vingt-sept ans il ne compte que sur soi, ne s’attend qu’à soi, ne s’étonne de rien, ne croit rien impossible, ne recule jamais, croit tout, espère tout, essaye de tout, triomphe de tout, se relève s’il tombe, recommence s’il échoue, ne s’arrête jamais, ne perd jamais courage, et va droit devant lui en sifflant sa chanson. Il a été cultivateur, maître d’école, homme de loi, journaliste, chercheur d’or, industriel, commerçant ; il a tout lu, tout vu, tout pratiqué et parcouru plus de la moitié du globe. Quand je fis sa connaissance, il commandait au Pirée un aviso à vapeur, soixante hommes et quatre canons ; il traitait la question d’Orient dans la Revue de Boston ; il faisait des affaires avec une maison d’indigo à Calcutta, et il trouvait le temps de venir trois ou quatre fois par semaine dîner avec son neveu Lobster et avec nous.

Un seul trait entre mille vous peindra le caractère de Harris. En 1853, il était l’associé d’une maison de Philadelphie. Son neveu, qui avait alors