Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/22

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dix-sept ans, va lui faire une visite. Il le trouve sur la place Washington, debout, les mains dans les poches, devant une maison qui brûle. William lui frappe sur l’épaule ; il se retourne.

« C’est toi ? dit-il. Bonjour, Bill ; tu arrives mal, mon enfant. Voici un incendie qui me ruine ; j’avais quarante mille dollars dans la maison ; nous ne sauverons pas une allumette.

— Que vas-tu faire ? demanda l’enfant atterré.

— Ce que je vais faire ? Il est onze heures, j’ai faim, il me reste un peu d’or dans mon gousset ; je vais t’offrir à déjeuner ! »

Harris est un des hommes les plus sveltes et les plus élégants que j’aie jamais rencontrés. Il a l’air mâle, le front haut, l’œil limpide et fier. Ces Américains ne sont jamais ni chétifs ni difformes ; et savez-vous pourquoi ? C’est qu’ils n’étouffent pas dans les langes d’une civilisation étroite. Leur esprit et leur corps se développent à l’aise ; ils ont pour école le grand air, pour maître l’exercice, pour nourrice la liberté.

Je n’ai jamais pu faire grand cas de M. Mérinay ; j’examinais Giacomo Fondi avec la curiosité indifférente qu’on apporte dans une ménagerie d’animaux exotiques ; le petit Lobster m’inspirait un intérêt médiocre ; mais j’avais de l’amitié pour Harris. Sa figure ouverte, ses manières simples, sa rudesse qui n’excluait pas la douceur, son caractère emporté et cependant chevaleresque, les bizarreries de son humeur, la fougue de ses sentiments, tout cela m’attirait d’autant plus vivement que je ne suis ni fougueux ni passionné : nous aimons autour de nous ce que nous ne trouvons pas en nous. J’adore les Américains parce que je suis Allemand.