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Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/45

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cédentes, que les Grecs se dispensent de tracer un chemin toutes les fois que l’eau a bien voulu se charger de la besogne. Dans ce pays, où l’homme contrarie peu le travail de la nature, les torrents sont routes royales ; les ruisseaux, routes départementales ; les rigoles, chemins vicinaux. Les orages font l’office d’ingénieurs des ponts et chaussées, et la pluie est un agent voyer qui entretient, sans contrôle, les chemins de grande et de petite communication. Je m’enfonçai donc dans le ravin, et je poursuivis ma promenade entre deux rives escarpées qui me cachaient la plaine, la montagne et mon but. Mais le chemin capricieux faisait tant de détours, que bientôt il me fut difficile de savoir dans quelle direction je marchais, et si je ne tournais pas le dos au Parnès. Le parti le plus sage eût été de grimper sur l’une ou l’autre rive et de m’orienter en plaine ; mais les talus étaient à pic, j’étais las, j’avais faim, et je me trouvais bien à l’ombre. Je m’assis sur un galet de marbre, je tirai de ma boîte un morceau de pain, une épaule d’agneau froide, et une gourde du petit vin que vous savez. Je me disais : « Si je suis sur un chemin, il y passera peut-être quelqu’un et je m’informerai. »

En effet, comme je refermais mon couteau pour m’étendre à l’ombre avec cette douce quiétude qui suit le déjeuner des voyageurs et des serpents, je crus entendre un pas de cheval. J’appliquai une oreille contre terre et je reconnus que deux ou trois cavaliers s’avançaient derrière moi. Je bouclai ma boîte sur mon dos, et je m’apprêtai à les suivre, dans le cas où ils se dirigeraient sur le Parnès. Cinq minutes après, je vis apparaître deux dames montées sur des chevaux de manège