Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/95

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ment ciselée. Un fromage de brebis reposait sur le linge qui l’avait pressé, et dont il gardait encore l’empreinte. Cinq ou six laitues appétissantes nous offraient une belle salade, mais sans aucun assaisonnement. Le Roi avait mis à notre disposition son argenterie de campagne, consistant en cuillers sculptées à coups de couteau, et nous avions, pour surcroît de luxe, la fourchette de nos cinq doigts. On n’avait pas poussé la tolérance jusqu’à nous servir de la viande, mais en revanche le tabac doré d’Almyros me promettait une admirable digestion.

Un officier du Roi était chargé de nous servir et de nous écouter. C’était ce hideux Corfiote, l’homme à la bague d’or, qui savait l’anglais. Il découpa le pain avec son poignard, et nous distribua de tout à pleines mains, en nous priant de ne rien ménager. Mme Simons, sans perdre un coup de dent, lui lança quelques interrogations hautaines. « Monsieur, lui dit-elle, est-ce que votre maître a cru sérieusement que nous lui paierions une rançon de cent mille francs ?

— Il en est sûr, madame.

— C’est qu’il ne connaît pas la nation anglaise.

— Il la connaît, bien, madame, et moi aussi. À Corfou j’ai fréquenté plusieurs Anglais de distinction : des juges !

— Je vous en fais mon compliment ; mais dites à ce Stavros de s’armer de patience, car il attendra longtemps les cent mille francs qu’il s’est promis.

— Il m’a chargé de vous dire qu’il les attendrait jusqu’au 15 mai, à midi juste.

— Et si nous n’avons pas payé le 15 à midi ?

— Il aura le regret de vous couper le cou, ainsi qu’à mademoiselle. »