Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/94

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y descendit en protestant qu’elle dévorerait le repas, mais qu’elle ne payerait jamais la carte. Mary-Ann semblait fort abattue ; mais telle est la mobilité de la jeunesse, qu’elle poussa un cri de joie en voyant le lieu de plaisance où notre couvert était mis. C’était un petit coin de verdure enchâssé dans la roche grise. Une herbe fine et serrée formait le tapis ; quelques massifs de troènes et de lauriers servaient de tentures et cachaient les murailles à pic. Une belle voûte bleue s’étendait sur nos têtes ; deux vautours au long col qui planaient dans l’air semblaient avoir été suspendus pour le plaisir des yeux. Dans un coin de la salle une source limpide comme le diamant se gonflait silencieusement dans sa coupe rustique, se répandait par-dessus les bords et roulait en nappe argentée sur le revers glissant de la montagne. De ce côté, la vue s’étendait à l’infini vers le fronton du Pentélique, le gros palais blanc qui règne sur Athènes, les bois d’oliviers sombres, la plaine poudreuse, le dos grisonnant de l’Hymette, arrondi comme l’échine d’un vieillard, et cet admirable golfe Saronique, si bleu qu’on dirait un lambeau tombé du ciel. Assurément, Mme  Simons n’avait pas l’esprit tourné à l’admiration, et pourtant elle avoua que le loyer d’une vue si belle coûterait cher à Londres ou à Paris.

La table était servie avec une simplicité héroïque. Un pain bis, cuit au four de campagne, fumait sur le gazon et saisissait l’odorat par sa vapeur capiteuse. Le lait caillé tremblait dans une jatte de bois. Les grosses olives et les piments verts s’entassaient sur des planchettes mal équarries. Une outre velue gonflait son large ventre auprès d’une coupe de cuivre rouge naïve-