222\tLE\tBUSTE. Je ne sais comment Victorine s’y prit pour ensor¬ celer sa tante. Le fait est qu’elle ne lui dit pas son secret, et qu’elle l’enrôla dans une conspiration con¬ tre les prétendants. On se promit de leur prouver à eux-mêmes qu’ils n’avaient d’amour que pour la for¬ tune de Mme Michaud. Victorine eut bientôt fait son siège ; l’amour est un grand maître en stratégie. Séance tenante, elle découpa, dans un volume de la Bibliothèque bleue, la phrase suivante, qui fut mise sous enveloppe à l’adresse de M. Leſébure : « La dame et sa nièce se marièrent le même jour aux deux chevaliers qu’elles aimaient, et ceux qui se trouvèrent dans la chapelle du château virent deux belles cérémonies. » « Raisonnons, dit Mme Michaud. Quand le facteur lui apportera ce chiffon anonyme, il ne le jettera pas au feu : nous sommes en été. Il le lira. Que va-t-il penser? Premièrement, qu’on se moque de lui.... un mauvais plaisant.... une farce d’écolier. Quand j’ai dû. épouser M. Michaud, mon père a reçu plus de vingt lettres anonymes : une entre autres où l’on af¬ firmait que mon futur était marié à onze femmes en Turquie ! Ensuite, il se grattera la tête, et il se dira que je suis bien assez folle pour convoler en secondes noces, avec mes moustaches et mes cheveux gris. Si je me remarie, la conséquence est nette : tu entres de plain-pied dans l’intéressante catégorie des filles sans dot. Ce gros Leſébure est bourgeois jusqu’aux os,
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