254 GORGEON. entrer au Palais-Royal. Il prit son parti en philoso¬ phe : « Après tout, pensait-il, le vaudeville a plus d’avenir que la tragédie, car on n’écrira plus de tra¬ gédies aussi belles que celles de Racine, et tout me porte à croire qu’on rimera de meilleurs couplets que ceux de M. Clairville. » On reconnut bientôt qu’il ne manquait pas de talent : il avait le geste co¬ mique, la grimace facile et la voix plaisante. Non- seulement il comprenait ses rôles, mais il y mettait du sien. Le public le prit en amitié, et le nom de Gorgeon circula agréablement dans a bouche des hommes. On répéta que Gorgeon s’était fait une place entre Sainville et Alcide Tousez, et. qu’il confondait en un mélange heureux la finesse et la niaiserie. Cette métamorphose d’Orosmane en Jocrisse fut l’affaire de dix-huit mois. A vingt-deux ans, Gorgeon gagnait dix mille francs, sans compter les feux et les bénéfices. On n’avance pas aussi vite dans la diplo¬ matie. Lorsqu’ i I se vit au faîte de la gloire et des ap¬ pointements, il perdit un peu la tète : nous ne savons pas ce que nous aurions fait à sa place. L’étonnement de voir des meubles dans sa chambre et des louis dans son tiroir troubla sa raison. Il mena la vie de jeune homme et apprit à jouer le lansquenet, ce qui n’est malheureusement pas difficile. Je crois que per¬ sonne ne se ruinerait au jeu si tous les jeux étaient aussi compliqués que les échecs. Le pauvre garçon se persuada, en regardant sa
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