oubliées depuis longtemps ; le présent est comme un ciel sans nuages ; quant à l’avenir, j’en suis sûre, je le tiens. Vous voyez bien qu’il faudrait être folle pour se plaindre du sort ou prendre en grippe le genre humain ! »
Comme il n’est rien de parfait en ce monde, Mme Benoît avait un défaut, mais un défaut innocent, qui n’avait jamais fait de mal qu’à elle-même. Elle était, quoique l’ambition semble un privilége du sexe laid, passionnément ambitieuse. Je regrette de n’avoir pas trouvé un autre mot pour exprimer son seul travers ; car, à vrai dire, l’ambition de Mme Benoît n’avait rien de commun avec celle des autres hommes. Elle ne visait ni à la fortune, ni aux honneurs : les forges d’Arlange rapportaient assez régulièrement cent cinquante mille francs de rente ; et, quant au reste, Mme Benoît n’était pas femme à rien accepter du gouvernement de 1846. Que poursuivait-elle donc ? Bien peu de chose. Si peu de chose que vous ne me comprendriez pas si je ne vous racontais d’abord en quelques lignes la jeunesse de Mme Benoît, née Lopinot.
Gabrielle-Auguste-Éliane Lopinot naquit au cœur du faubourg Saint-Germain, sur les bords de ce bienheureux ruisseau de la rue du Bac, que Mme de Staël préférait à tous les fleuves de l’Europe. Ses parents, bourgeois jusqu’au menton, vendaient des nouveautés à l’enseigne du Bon Saint-Louis, et accumulaient sans bruit une fortune colossale. Leurs principes bien