simple mouvement de coquetterie. Elle guettait avec une impatience fiévreuse le jour où Lucile mépriserait quelqu’un ; mais Lucile ouvrait son cœur et ses petits bras à toutes les bonnes gens qui l’entouraient, depuis Margot la vachère jusqu’au plus noir des ouvriers de la forge. Lorsqu’elle se fit grandelette, ses goûts changèrent un peu, mais ce ne fut pas dans le sens que sa mère désirait. Elle s’intéressa au jardin, au verger, au troupeau, à la basse-cour, à l’usine, au ménage, et même (pourquoi ne le dirait-on pas ?) à la cuisine. Elle eut l’œil au fruitier, elle étudia l’art de faire des confitures, elle s’inquiéta de la pâtisserie. Chose étrange ! les gens de la maison, au lieu de s’impatienter de sa surveillance, lui en savaient le meilleur gré du monde. Ils comprenaient, mieux que Mme Benoît, combien il est beau qu’une femme apprenne de bonne heure l’ordre, le soin, une sage et libérale économie, et ces talents obscurs qui font le charme d’une maison et la joie des hôtes auxquels elle ouvre sa porte.
Les leçons de Mme Benoît avaient porté d’étranges fruits. Cependant elles ne furent pas tout à fait perdues. L’institutrice était sévère par amour pour sa fille, impatiente par amour pour le marquisat, et colère par tempérament. Elle perdit si souvent patience que Lucile prit peur de sa mère. La pauvre enfant s’entendait répéter tous les jours : « Vous ne savez rien de rien, vous n’entendez rien à rien, vous êtes bien