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eût jamais osé en faire la confidence à personne. Dans le salon d’une amie de sa mère, Mme Mélier, en feuilletant un album de costumes, elle avait vu une gravure coloriée représentant un marquis. C’était un petit vieillard vêtu d’un costume du temps de Louis XV, culotte courte, souliers à boucles d’or, épée à poignée d’acier, chapeau à plumes, habit à paillettes. Cette image était si bien entrée dans un des casiers de sa mémoire, qu’elle se présentait au seul nom de marquis, et que la pauvre enfant ne pouvait se persuader qu’il y eût d’autres marquis sur la terre. Elle les croyait tous dessinés d’après le même modèle, et elle se demandait avec effroi comment elle pourrait s’empêcher de rire en donnant la main à son mari.

Tandis qu’elle s’abandonnait à ces terreurs innocentes, Mme Benoît se mettait en quête d’un marquis. Elle eut bientôt trouvé. Parmi les débiteurs de son père avec lesquels elle avait conservé des relations, le plus aimable était le vieux baron de Subresac. Non-seulement il y était toujours pour elle, mais il lui faisait même l’amitié de venir déjeuner chez elle, en tête-à-tête. Ces familiarités n’étaient pas compromettantes, d’un homme de soixante-quinze ans. Elle lui demanda un jour, entre les deux derniers verres d’une bouteille de vin de Tokay :

« Monsieur le baron, vous occupez-vous quelque-fois de mariages ?