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Page:About - Rome contemporaine.djvu/112

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bite au delà du Tibre est sans contredit la plus mâle, la plus fière, la plus ombrageuse et la plus honnête de la ville. C’est aussi la plus belle et la plus pittoresque : on n’a rien dit de trop à sa louange. Les Transtévérins ont peut-être l’esprit moins svelte et moins agile que les habitants des monts, mais ils ont plus de loyauté et de courage.

Je me perdis en route, et au lieu de tomber sur le Pont-Cassé, qui m’aurait conduit au cœur du Transtévère, je me trouvai au milieu des greniers à foin et des temples qui environnent la Bouche-de-Vérité. Les greniers étaient dans leur beau : quarante voitures semblables à des montagnes carrées arrivaient à la file, traînées par des bœufs. Au-dessous du dernier attelage planait le bon saint Antoine, patron des animaux. Je n’ai rien vu de plus sain, de plus beau et de plus odorant que ces foins de la campagne de Rome, et ce n’est pas un médiocre plaisir que de rencontrer au sein d’une grande ville les travaux, les costumes et les parfums des champs. Quand Rome ne sera plus la première cité du monde, elle sera encore le village le plus pittoresque de l’univers.

Cette Bouche-de-Vérité, que j’ai nommée tout à l’heure, est une curieuse relique du moyen âge. Elle servait aux jugements de Dieu. Figurez-vous une meule de moulin qui ressemble, non pas à un visage humain, mais au visage de la lune : on y distingue des yeux, un nez et une bouche ouverte où l’accusé mettait la main pour prêter serment. Cette bouche mordait les menteurs ; au moins la tradition l’assure. J’y ai introduit ma dextre en disant que le Ghetto était un lieu de délices, et je n’ai pas été mordu.