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de tarots dans le milieu. Je ne suis pas encore assez savant pour pénétrer le mystère de ces cartes bohémiennes que le petit peuple d’Espagne et d’Italie déchiffre couramment. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’il n’y avait pas d’argent sur les tables, et qu’on se querellait pourtant à chaque coup.

J’ai cru un instant qu’un embrasement général se déclarait dans le quartier, à propos d’un as d’épée ou d’un sept de bâton. Un joueur lança les tarots à la tête de son adversaire ; l’autre riposta en jetant la craie dont on se servait pour marquer les points. Les femmes intervinrent entre les combattants : ce ne fut pas sans se prendre aux cheveux. Toute la rue se mêla bientôt à la querelle, chacun prenant parti pour ses parents, et les quartiers voisins affluèrent en un rien de temps sur le champ de bataille. On échangea des volumes d’injures dans un patois où je n’entendais rien, et les Italiens, attirés par le bruit, n’y comprenaient pas grand’chose. Cependant tout s’apaisa au bout d’un quart d’heure, et j’appris que tout ce tumulte s’était fait pour la moitié d’un sou. Ne riez pas de la somme : je connais un professeur de mandoline qui a donné dix-sept coups de couteau à son meilleur ami pour une discussion de cinquante centimes.

Je m’éloignai, la tête rompue. De ma vie je n’avais entendu autant de bruit, si ce n’est peut-être à la sortie du théâtre de Péra, quand la population des rues se livre à coups de dents des batailles hurlantes. Mais ces querelleurs nocturnes de Constantinople ne sont pas des hommes.

Ma journée devait s’achever au Transtévère, dans le quartier le plus romain de Rome. La population qui ha-