Page:About - Rome contemporaine.djvu/117

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laine. Il n’y a pas d’ouvriers à Rome qui ne prennent le nom d’artiste : aussi est-il considéré comme une injure par les peintres et les sculpteurs. Le dernier copiste de tableaux, le plus mince praticien, le ménétrier le plus maladroit se fâcherait tout rouge si vous lui disiez qu’il est un grand artiste : « Monsieur, dirait-il sérieusement, je suis professeur ! »

Ces jours derniers, je voulais faire recoudre un bouton à une bottine. J’ai fait appeler la femme d’un domestique, et je lui ai demandé si elle était à la hauteur de ce travail. « Moi ! m’a-t-elle répondu en se rengorgeant, je suis fille de l’art : mon père était cordonnier ! »


Les artistes qui viennent ici le dimanche n’y paraissent pas dans la semaine. Ils se cachent dans leurs taudis pour boire de l’eau et ronger des salades. Mais le dimanche, quand ils ont économisé quelques sous, ils tiennent à honneur de se montrer au cabaret et de prouver à l’univers qu’ils dépensent de l’argent. Ils raisonnent à peu près comme nos petits jeunes gens de la Bourse, qui vont dîner une fois par semaine dans le restaurant le plus cher du boulevard, pour qu’on les voie entrer et sortir.

Je me suis assis au bout d’un banc, devant une de ces grandes tables massives qui entourent la grande salle. Le cabaret est pavé comme la rue, et presque aussi mal balayé ; les murs sont peints en coutil, sans aucune décoration. La cuisine occupe une des extrémités de la salle, et le marmiton apporte de temps en temps un fagot de roseaux