Page:About - Rome contemporaine.djvu/118

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pour faire flamber le feu sous la poêle. Deux lampes à deux becs illuminent modestement toute l’enceinte : une troisième brûle dans un coin devant la Madone.


On entend peu de bruit dans cette assemblée de cinquante à soixante personnes. Mes voisins de droite sont cinq jeunes gens du même âge qui ont l’air de camarades d’atelier. La couleur de leurs mains et certaines entailles me font supposer qu’ils travaillent le fer. Celui qui s’est rangé pour me laisser asseoir est certainement un des plus jolis hommes qu’on puisse rencontrer ici : grand et bien fait, la figure longue, l’œil humide, la bouche fine, la lèvre rouge, le nez busqué, la barbe cotonneuse comme le duvet d’un cygne noir : il ressemble plutôt à un ténor de l’opéra qu’à un apprenti serrurier. Ses compagnons ne sont pas tous de même étoffe, et je vois justement en face de lui une figure de bouledogue qui ne me revient pas beaucoup ; mais une gaieté franche et tranquille préside à leur petit repas. Mon beau voisin m’a présenté son verre en m’invitant à boire : J’y ai trempé mes lèvres, pour prouver que je connaissais les usages du Transtévère et que j’étais un homme bien élevé.

À ma gauche, la table voisine est occupée par des groupes variés que je distingue assez mal, dans une lumière douteuse et proche parente de la nuit. Je vois bien deux joueurs, assis en face l’un de l’autre : ils portent le costume des charretiers. Il y a quelque argent au jeu ; peut-être trois écus en petite monnaie. Le plus vieux des