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Page:About - Rome contemporaine.djvu/139

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les voleurs. Je vous ai dit cependant s’ils sont détestés ! Nous les détestions aussi au collège, et nous nous faisions également un point d’honneur de ne les pas dénoncer. Nous les mettions en quarantaine, nous les faisions passer par les armes, à grands coups de balle élastique ; mais nous aurions cru nous déshonorer nous-mêmes en les livrant au maître d’étude. Les Romains sont enfants à tout âge, comme nous l’étions à quinze ans.

Leur aversion pour les voleurs s’est manifestée, il y a deux ou trois ans, lorsqu’on en a fustigé un sur la place du Peuple. C’était un nommé Pietro Brandi, si j’ai bonne mémoire. Il avait jeté la confusion dans une fête publique pour pêcher en eau trouble quelques porte-monnaie et quelques mouchoirs de poche. Sa spéculation avait coûté la vie à deux ou trois personnes et la santé à plusieurs. Les juges le condamnèrent à recevoir vingt-cinq coups de nerf de bœuf, non pas sur la plante des pieds. La foule accourut à son supplice comme à une réjouissance. Elle criait à chaque coup : « Bravo ! Frappe fort ! » Mastro Titta, gagné par l’enthousiasme du peuple, ajouta un vingt-sixième coup pour la bonne main ; c’est le nom italien du pourboire.

Dans le même pays, chez le même peuple, un paysan s’aperçoit qu’on lui a volé son cochon. Il devine le coupable, court à sa maison, et trouve encore l’animal attaché devant la porte. « Des témoins ! dit-il ; sainte Madone, envoie-moi des témoins ! » Enfin, un homme passe ; il lui saute au collet : « Tu vois ce cochon ?

— Quel cochon ? dit l’autre, qui flaira aussitôt une odeur de témoignage.

— Par tous les saints, tu n’es pas aveugle ! il y a là un cochon.