Page:About - Rome contemporaine.djvu/151

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À Rome, le fils d’un charbonnier tombe d’un premier étage et se fait grand mal. Le père, avant d’appeler le médecin, compose un terne avec l’âge de son fils, l’heure de l’accident et le no 56, qui correspond aux chutes par la fenêtre. Il gagne, l’enfant meurt, et plus d’un père est jaloux.

Un jeune homme et une jeune fille s’asphyxient ensemble dans une maison du Cours ; le peuple vole aux bureaux de loterie pour jouer sur l’événement. L’administration est forcée de fermer ou d’interdire certains chiffres sur lesquels tout le monde se jetait à la fois : l’âge de chacun des amoureux, le numéro de la maison, l’heure où ils sont morts.

À Venise, un soldat autrichien se jette du haut d’un clocher. La canaille se rue sur lui dès qu’il a touché terre ; on arrache le numéro de son régiment, de son bataillon ; on plonge des mains avides dans son linge ensanglanté pour trouver le numéro matricule de sa chemise. Pas un homme qui ne regarde ce cadavre comme une aubaine tombée du ciel.

À Rimini, un condamné marche au supplice entre deux bourreaux. Une vieille femme le suit héroïquement dans la foule. Elle lui parle de temps en temps, et lorsqu’elle ne peut l’approcher d’assez près, elle lui adresse de loin une grimace suppliante. Est-ce sa mère ? Pas du tout, c’est une joueuse qui lui demande des numéros.

À Sonnino, lorsqu’on avait encore l’habitude d’enfermer les têtes coupées dans des cages de fer, autour d’une porte du village, les vieilles joueuses venaient à minuit prier devant ces restes hideux. Elles priaient, mais l’oreille au guet, l’esprit tendu à tous les bruits. Le chant d’un