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jouir est plus forte que le désir d’accumuler. Il n’y a pas dans la ville dix fortunes de cinq millions. Les simples millionnaires, si l’on en faisait le recensement, ne seraient pas plus de quarante. Ces favoris du sort ne se targuent pas de leur supériorité financière : soit qu’ils se souviennent de ce qu’ils ont été, soit qu’ils méditent quelquefois sur l’instabilité des fortunes les mieux assises, ils accueillent avec bonhomie ceux dont le chemin n’est pas fait. Le Marseillais, riche ou pauvre, est avant tout familier, sans façon et bon enfant. Je connais peu de villes où l’on se tutoie davantage, et où l’on fasse moins de cas des politesses inutiles ; on devait être ainsi dans les républiques marchandes de la Grèce.


Cette bonhomie ne règne pas seulement dans le langage : on la trouve dans les mœurs et jusque dans les affaires. Elle s’étend quelquefois si loin que les marchands de la vieille roche en seraient tout étonnés. Du temps où florissaient le seigneur Arnolphe, le digne Orgon et ce bon monsieur Dimanche, un marchand qui ne faisait pas honneur à sa signature était un homme perdu : il n’avait qu’à se jeter à l’eau la tête la première. Ces principes absolus sont encore en vigueur dans quelques départements de la France. Si une crise commerciale venait interrompre pour six mois la prospérité de Rouen, chaque Normand, fort de son droit et pénétré de ses vieilles idées, exécuterait impitoyablement son voisin et son compère, et dormirait sans remords. Mais que le même accident se