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de dire qu’il se laisse gouverner. Son maître l’emprunte à la nature lorsqu’il faut donner un de ces coups de collier qui épouvantent les hommes, les chevaux et les bœufs. On l’attelle à un rocher, à un arbre, à une montagne, à une forêt tout entière. Il se rue, tête baissée, allongeant son cou de serpent, roidissant ses muscles énormes. Tout cède, tout suit ; il va comme une force déchaînée et renverse tout sur son passage. Arrivé, on le dételle, il retourne à sa bauge et s’y vautre.

Cette brute est douée de mémoire. Le buffle vient à l’appel de son nom. On le baptise deux fois, d’abord à sa naissance, puis à l’âge de treize mois. Son deuxième nom lui reste jusqu’à l’âge de onze ans. C’est alors qu’on le mène à l’abattoir.

Souvent il s’élève une querelle entre le buffle et son pasteur. L’animal furieux se jette sur l’homme et le tue, non à coups de cornes, mais à coups de tête. Si le gardien est dressé à ce genre d’escrime, il se couche à plat ventre en ouvrant son couteau de poche. Quand le buffle, qui n’est pas adroit, vient chercher sa victime à tâtons, l’homme lui plante six pouces de lame dans les naseaux et le monstre s’enfuit. C’est la seule raison qu’il entende. Les bâtons se brisent sur son dos comme des allumettes ; un coup de fusil chargé à gros plomb lui chatouille agréablement l’épiderme.

Dans les marais pontins, c’est un troupeau de buffles qui est chargé du curage des canaux. On les pousse dans l’eau à grands coups de perche. Ils nagent, ils pataugent, ils arrachent les herbes aquatiques en dégradant les berges, et ils s’échappent enfin, chargés de limon et couronnés d’une verdure gluante.