Page:About - Rome contemporaine.djvu/51

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qu’une ombre. Cette république de pêcheurs, apportée par l’émigration, s’est remise à émigrer. Est-ce en haine de l’inscription maritime ? Est-ce parce que le poisson manque sur nos côtes ? On ne sait. Toujours est-il que le petit port se fait désert, et que les cellules blanchies à la chaux sont presque vides. À peine si l’on entend dans cette solitude le son guttural d’une phrase espagnole. Il faut errer longtemps par les ruines avant de rencontrer sur le seuil d’une porte ouverte une vieille femme au visage de bronze épluchant la tête de son petit-fils.


Les Marseillais dépensent leur commun revenu en hommes intelligents ; je n’ai pas dit en artistes. Gens d’esprit tant qu’on voudra ; je suis prêt à enchérir sur tous les superlatifs de la louange ; mais en matière d’art, ce n’est pas à eux que je demanderai des avis. Le discernement du beau est un fruit de l’éducation plutôt qu’un don de la nature, et les Marseillais n’ont pas encore tourné leur esprit de ce côté-là. Il leur manque cette tradition d’art qui s’est conservée çà et là dans quelques villes de France, à Lille, à Valenciennes, à Dijon, à Grenoble, à Lyon, je dirai même à Bordeaux. Les nouveaux édifices de Marseille ne s’annoncent pas comme des chefs-d’œuvre d’architecture : on fait aussi bien à Washington et à Cincinnati. Devant la Bourse neuve, qui est formellement laide, on voit un bourreau montrant au peuple une tête fraîchement coupée. C’est la statue du Puget, martelée par M. Ramus, et offerte en présent à la ville par un