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Niguenau, mais en matière d’art, un âne. Il se montrait d’autant plus jaloux de sa prérogative, et les matières d’art étaient les seules sur lesquelles il n’entendît pas raison.

« L’administrateur de la province (appelons-le préfet pour parler comme chez vous) était un connaisseur éclairé par les voyages, par la vie de Munich et la fréquentation des grands artistes. Aussi se gardait-on de prendre ses avis. Lorsqu’il aventurait officieusement un bon conseil, le bourgmestre se drapait dans sa morgue municipale et répondait avec une politesse impertinente : « Monsieur le préfet s’y connaît mieux que nous, et nous sommes gens à nous tromper mais Niguenau est assez riche pour payer nos bévues, et il n’en coûtera pas un kreutzer au gouvernement. »

« Lorsqu’il fut question de rebâtir l’hôtel de ville qui tombait en ruine, le bourgmestre et son architecte combinèrent ensemble un petit projet de temple grec, surmonté d’un clocher gothique et entouré d’un balcon suisse. Le préfet vit par hasard les plans de cet édifice hybride, et il ne put se défendre de pousser les hauts cris. On lui répondit avec douceur : « C’est la ville qui paye. »

« Vers le même temps, le conservateur du musée, qui n’avait touché un pinceau de sa vie, s’arrêta devant le tableau du Pérugin. Nous n’en avions qu’un seul, mais c’était la perle du musée. Cet animal (excusez-moi si je ne trouve pas un mot plus poli) s’avisa que la peinture était trop jaune, et il se mit à la gratter avec une racloire jusqu’à ce qu’il rencontrât le bois. Il s’aperçut alors qu’il avait fait la place un peu trop nette, et pour réparer sa