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Page:About - Rome contemporaine.djvu/66

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Les artistes qui obtiennent au concours le droit d’y compléter leurs études n’ont pas tous le même talent, quoiqu’ils aient tous remporté le même prix. Si chacun d’eux revenait en France à l’état d’homme de génie, la France ne saurait plus où les mettre, et l’excès de notre gloire nous causerait de grands embarras. Mais on peut affirmer hardiment qu’un séjour de quelques années dans une telle demeure et dans un tel pays n’est jamais inutile au développement d’un homme. Une vie modeste, mais sans souci du pain quotidien, l’obligation stricte de travailler jointe à la liberté absolue du travail, le spectacle des plus beaux paysages, des plus grands édifices et des populations les plus pittoresques ; le voisinage des riches collections, le contact perpétuel avec les souvenirs d’un passé plus vivant que le présent, tout cela fait de l’Académie l’habitation la plus saine qui soit au monde. Il faut que j’en sois bien convaincu puisque je viens m’y remettre en pension.

À tous les biens que j’ai énumérés ajoutez le calme pénétrant qui émane de la ville éternelle, un certain esprit de paix et d’harmonie, de tenue et de dignité qui gagne insensiblement le cerveau le plus troublé. Dans cette solitude habitée qui s’étend de Saint-Pierre à Saint-Jean de Latran, les souvenirs de la vie militante nous apparaissent de loin comme les rêves d’une nuit d’orage. Celui qui voit l’agitation de Paris sans y être mêlé éprouve le même étonnement, le même malaise et le même dédain que s’il voyait tourbillonner un bal de carnaval, sans entendre les violons. Les journaux de tapage qui assourdissent les Parisiens n’arrivent pas jusqu’à Rome ; les vauriens les plus célèbres et les plus redoutés des artistes