mêmes. Ils ne se traînent ni dans la basse plaisanterie ni dans la sale débauche. Vous ne les verrez jamais insulter gratuitement un monsieur qui passe ou jeter un mot crapuleux à la figure d’une femme. Cette classe d’hommes dégradés qu’on appelle la canaille est absolument inconnue ici : l’ignoble n’est pas une denrée romaine.
J’ai passé toute la journée d’hier dans le monde plébéien ; c’était dimanche. Comme je descendais l’escalier de l’Académie, je rencontrai un frère quêteur. Ceux-là sont les plébéiens de l’Église. Il me salua poliment, sans savoir que j’étais de la maison, et il s’arrêta pour m’ouvrir sa tabatière.
« Grand merci, lui dis-je, je ne prends pas de tabac. »
Il répondit en souriant : « Tant pis !
— Et pourquoi ?
— Parce que si vous aviez accepté ma prise, vous m’auriez donné quelques sous pour mon couvent. »
Je souris à mon tour, et je lui dis : « Qu’à cela ne tienne. Je vous donnerai ce que vous voudrez, mais à une condition.
— Dites.
— C’est que vous me conduirez jusqu’à la place Farnèse, en répondant à mes questions.
— Volontiers ; je n’ai plus rien à faire avant déjeuner. Je viens de porter ici ma dernière salade.
— Quelle salade ?
— Celle qu’on mangera ce soir chez le directeur de l’Académie.
— Quoi ! révérend, vous vendez de la salade !
— Non, j’en donne aux bienfaiteurs de notre ordre.