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phénomène, n’est pas le phénomène lui-même, ce donc, qui contient, en soi implicitement les deux principes : évolutionniste aussi bien que créateur. — Ce que c’est, cela nous est indiqué par la nature même des objets, dans lesquels apparaît la coexistence des deux méthodes. Cette coexistence n’est possible que là, où on n’a pas à faire aux phénomènes seuls, mais aussi au sujet pensant. — La méthode créatrice, caractérisée par la contingence et par la catégorie éthique, exprimée dans la formule « doit être », ne trouve, par exemple, aucune place dans les sciences naturelles, elle est tout à fait étrangère à leur esprit. Les propositions : « que l’oxygène doit s’unir à l’hydrogène », ou bien « que la chaleur doit se transformer en travail mécanique », sont dépourvues de sens. La constatation seule du fait : que l’oxygène se combine, ou que la chaleur se transforme, épuise tout le contenu du sujet donné. Il n’y a pas ici de place pour l’éthique, pas plus que pour la contingence, bannie totalement par le déterminisme de la causalité, se manifestant dans des lois constantes et invariables. — Nous retrouvons la même chose dans les phénomènes psychiques, lorsque nous les envisageons dans leurs processus inconscients, qui se déroulent sans intervention de notre aperception, de l’effort conscient de la volonté : les représentations associées par la contiguïté dans l’espace s’évoquent naturellement ; la notion générale du « chien » contient en soi les notions de tous les chiens concrets ; mais non : doivent s’évoquer, ou doit contenir ; une morale des impressions, qui exigerait qu’à une telle excitation réponde une telle impression, serait aussi comique et dépourvue de tout fondement, qu’une morale des combinaisons chimiques. — Donc, tous les phénomènes, physiques comme psychiques, apparaissent tout à fait réfractaires à la méthode créatrice, ne pouvant point s’adapter à la forme de la contingence éthique, quand on les considère dans leurs rapports avec eux-mêmes, dans leurs actions naturelles et spontanées ; le domaine du phénomène pur reste sous le règne exclusif de la causalité. — Au contraire, les phénomènes physiques et psychiques peuvent parfaitement entrer dans la forme de la contingence éthique, lorsqu’ils sont envisagés dans leur rapport au sujet, à l’être pensant : la chaleur doit être transformée en travail mécanique en vue des fins productives de l’homme ; les marchandises, produits du travail, doivent correspondre aux besoins humains ; la pensée doit être logique ; les bons sentiments doivent gouverner notre conduite. Ici donc, la méthode créatrice a son application tout à fait légitime, elle est même exigée par notre intuition,