Page:Abramowski - Les Bases psychologiques de la sociologie.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 33 —


Mais que veut dire : « être impliqué dans notre moi », si l’on considère que ce « moi » ne peut pas constituer un objet de la pensée, une conception ? Cela signifierait : être dans notre intuition immédiate du « moi » propre, dans ce sentiment le plus intime que nous avons, et qui ne nous dit rien, hormis ceci uniquement — que c’est moi —, et disant si peu, le dit néanmoins d’une manière si claire et précise, que nous ne sentons jamais le besoin de demander « ce que signifie le moi », ni de douter « si c’est réellement moi » ; sentant donc nous-mêmes, nous sentirions en même temps la conscience sociale, une sorte du second « moi », plus élevé et dominant le mien comme un tout domine la partie, nous ressentirions dans notre « moi » quelque chose, qui étant essentiellement relié avec lui, conserverait cependant sa manifeste distinction de quelque chose d’autre, d’autant plus manifeste, qu’elle ne serait pas perçue dans le phénomène, mais ressentie dans l’être percevant lui-même, dans le sujet. Pour nous exprimer dans les termes de Kant, cela pourrait se formuler logiquement : non pas « je pense comme sujet », mais « je pense comme prédicat du sujet », ce qui serait contraire à la nature du sujet, qui, étant inconnaissable, étant la négation de toute chose, étant la « chose en soi » s’opposant a toute phénoménalité, ne peut contenir ni des parties, ni des composantes hétérogènes, ni aucun rapport.

La faute cardinale que commet l’hypothèse de la « conscience

    qui est notre conscience individuelle, aussi bien que du composé, qui est l’assemblée des consciences… Je dis que c’est un privilège singulier, car partout ailleurs nous ignorons complètement ce qu’il y a au for intérieur de l’élément. Qu’y a-t-il au fin fond de la molécule chimique, de la cellule vivante ? Nous ne le savons pas. Comment donc, l’ignorant, pouvons-nous affirmer que, lorsque ces êtres mystérieux se rencontrent d’une certaine façon, elle-même inconnue, et font apparaître à nos yeux des phénomènes nouveaux, un organisme, un cerveau, une conscience, il y a eu, à chaque degré franchi de cette mystique échelle, brusque apparition, création ex nihilo de ce qui naguère n’était pas, même en germe ? N’est-il pas probable que, si nous connaissions dans leur intimité ces cellules, ces molécules, ces atomes, ces inconnues du grand problème, si souvent prises pour des données, nous trouverions toute simple la mise en dehors des phénomènes créés en apparence par leur mise en rapport, et qui, à présent, nous émerveillent ? » (Sociologie élémentaire, Annales de l’Institut International de Sociologie, 1895, pp. 221-3).