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ces ondes cénesthésiques, qui passent continuellement sous le seuil de notre pensée ; par contre, la vie sociale elle-même serait une vie essentiellement subjective. C’est pourquoi le phénomène social ne peut être jamais identifié avec la somme des phénomènes psychiques ; individuel (étant psychique lui-même), il s’oppose néanmoins toujours à notre vie intérieure par sa vie autonome, par sa pression objective, par son indépendance entière de notre volonté intérieure.

Mais ce même caractère objectif du phénomène social, par lequel il s’oppose aussi bien à un état particulier de mon âme, qu’à sa multiple répétition dans le total des âmes humaines, est conditionné en même temps nécessairement par cette multiple répétition d’un état subjectif dans la masse des cerveaux individuels. D’un côté donc, le phénomène social, quoiqu’il ne s’identifie pas avec l’état psychique individuel, possède néanmoins toujours son équivalent psychologique individuel, en raison duquel, malgré son objectivité, il s’unit intimement à la vie de l’individu ; le besoin social par exemple, incorporé dans une certaine marchandise, est en même temps mon besoin propre, réel ou possible, qui peut se comprendre, et qui pourrait exister alors même qu’il n’y aurait personne excepté moi ; dans les lois nous retrouvons les idées et les intérêts, qui, si même elles n’ont pas pour nous une valeur vitale, comme les nôtres propres, ont néanmoins dans chaque cas, toujours une valeur psychologique, sont compréhensibles, et d’une manière ou d’une autre s’accrochent aux motifs intérieurs de notre conduite. D’un autre côté, le phénomène social, n’existant que dans la conscience individuelle de chaque homme, comme l’exige le principe du phénoménalisme, est cependant conditionné nécessairement par une répétition multiple de son équivalent psycho-individuel dans les autres cerveaux humains, sans quoi il perd son caractère objectif, s’identifiant avec un état psychique ordinaire. Le phénomène social est ce qu’il est (c’est-à-dire un certain objet psychique) pour ma conscience, grâce à cela seul, qu’il est — psychologiquement — la même chose pour les consciences des autres ; que ce même besoin ou idée que j’aperçois en moi-même, comme contenu d’un fait social donné, je puis l’apercevoir aussi chez beaucoup d’autres individus. Car, il est clair, que si un fait quelconque, ressemblant par sa nature aux faits sociaux, un certain objet d’utilité, ou bien une certaine idée, se réfléchissait seulement dans mon âme, m’était utile ou compréhensible à moi seul, et par contre, privé de contenu et inappréciable en tant que besoin ou concept pour tous les autres, qu’un tel fait