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les différents aspects des représentations, restent la propriété exclusive de mon individualité ; par contre, déterminés aperceptivement en notions, ils se socialisent sous forme du langage. La cénesthésie n’est jamais que la propriété inviolable de l’individu ; tandis que chaque notion ou concept, cristallisé dans un mot, est la propriété de tous, et peut toujours devenir un phénomène social, retrouver une place dans les lois, les préjugés, les idées publiques. Un besoin que l’on satisfait sans effort conscient de la volonté, comme par exemple la respiration, appartient exclusivement à la sphère close, individuelle. Tout besoin par contre, dont la satisfaction exige un effort conscient, de la pensée, du travail final, se socialise. La nutrition devient production ; la reproduction prend les formes sociales des mœurs sexuelles, du mariage. Les matériaux qui nous sont fournis par la nature ne sont que des corps physiques, aussi longtemps qu’ils constituent seulement l’objet de notre sensation ou de notre contemplation ; mais devenus l’objet de notre travail final, ils acquièrent le caractère de marchandises. Un processus chimique est un phénomène purement naturel, mais ce même processus utilisé dans la production industrielle, travaillé par la pensée humaine, devient un phénomène social. Donc, la condition indispensable de la socialisation du phénomène, c’est qu’il soit pénétré de notre aperception, de l’action du sujet pensant ; que l’aperception, en observant le phénomène, se retrouve elle-même en lui. — Par conséquent, l’être pensant de l’homme doit se retrouver au fond du phénomène social, étant un agent génétiquement indispensable de son application. La socialisation du phénomène est équivalente à une sorte d’incarnation dans l’objet de la pensée, du sujet pensant lui-même. Dans les états précédant la pensée, la douleur, la cénesthésie, de même que dans le monde de la nature ambiante, dans l’action des forces élémentaires aveugles, on ne retrouve pas soi-même, on y voit quelque chose d’absolument étranger, quelque chose qui ne nous est accessible que d’une manière superficielle, mais dans son essence reste toujours énigmatique, non seulement pour notre connaissance, mais aussi pour notre faculté de ressentir ; d’où provient, que ces états intuitifs qui nous affluent de l’inconscient, ne se socialisent jamais, constituent la sphère close de l’individualité même. Par contre, dans les concepts et notions, dans la pensée, dans les produits du travail, c’est-à-dire, partout où agit l’aperception, on retrouve son « moi » pensant, on a à faire avec soi-même, et cela constitue en même temps la sphère sociale de