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aperceptif de notre conscience. Par conséquent, tout ce qui agit immédiatement sur notre intuition, comme les propriétés physiologiques de la race, le milieu ambiant de la nature, appartient exclusivement à la sphère individuelle, forme l’individu propre, influence l’excitabilité du système nerveux, le fin fond, purement sensitif, de l’âme humaine. L’histoire, par contre, ne peut être influencée par ces agents, qu’après leur passage par la pensée consciente de l’homme, après qu’ils ont revêtu l’aspect du travail, des conceptions, des mœurs formulés, par conséquent, lorsqu’ils ont perdu leur caractère originaire, élémentairement naturel, vierge de sujet pensant, de consciente volonté humaine[1]. Ainsi donc, s’écroule la base de toutes les théories, qui, à l’aide des propriétés physiologiques de la race ou de la nature du milieu géographique tentent, en vain d’ailleurs, d’expliquer l’histoire des sociétés. Imitant le naïf naturalisme de Herder, ces théories « du sang de la race » et du « darwinisme social » qui cherchent dans le cours des fleuves, dans la conformation des montagnes et des plaines, dans l’anthropologie de la race, l’explication de l’histoire sociale, et dans la posture droite et la différenciation des membres, le point de départ pour la vie sociale, malgré toute la richesse des observations accumulées, en retirent cependant des abstractions tellement stériles et tellement incapables de fournir une explication de l’histoire, qu’à chaque tentative elles sont menacées par l’irruption de l’idée d’une « prédestination » des peuples et d’une providence historique. Sachant donc distinguer la

  1. Analogue est aussi, mais atteinte par d’autres voies, la conclusion de Lazarus et Jhering. Lazarus considère, que l’action des choses sur la psychologie des peuples n’est pas immédiate et directe. La nature ne forme pas les peuples par une sorte d’opération mystique ; les peuples se forment eux-mêmes, en profitant consciemment ou inconsciemment, avec plus ou moins d’adresse ou de bonheur, des données de la nature. Les choses extérieures agissent donc sur l’histoire, mais en passant par l’esprit. Ainsi l’anthropologie ne saurait remplacer la psychologie des peuples. Jhering pense de même, que le milieu naturel, la conformation géographique du sol, quoique elle possède, selon lui, une grande influence sur l’histoire, n’agit cependant jamais sur elle d’une manière mécanique et immédiate. Pour qu’ils puissent évoquer une réaction de notre côté, il est nécessaire pour cela qu’ils passent à travers notre esprit, qu’ils se transforment en motifs. La causalité ne peut agir sur notre volonté qu’en prenant la forme de la finalité. (D’après Bouglé, Sciences soc. en Allemagne, p. 54, 105).