Page:Abregé de la vie des peintres (Roger de Piles, Muguet, 1699).djvu/70

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reſtes de ces premiers Ouvrages, que la Peinture de ce ſiécle-là étoit trés-peu de choſe, ſi nous la comparons à celle que nous voyons aujourd’huy de la main des bons Maîtres. Car non ſeulement les parties qui dépendent de la Compoſition & du Deſſein n’étoient pas encore aſſaiſonnées du bon Goût, qui leur eſt venu depuis : mais celle du Coloris étoit abſolument ignorée, & dans la Couleur des objets en particulier, qu’on appelle Couleur Locale, & dans l’intelligence du Clair-obſcur, & dans l’harmonie du tout-enſemble. Il eſt vray qu’ils employoient des Couleurs, mais la route qu’ils tenoient en cela étoit triviale, & ne ſervoit pas tant à répréſenter la vérité des objets, qu’à nous en faire reſſouvenir.

Dans cette ignorance du Coloris, où les Peintres avoient été élevez, ils ne concevoient pas le pouvoir de cette partie enchantereſſe, ni à quel degré elle étoit capable de faire monter leurs Ouvrages. Ils ne juroient encore que ſur la parole de leurs Maîtres, & n’étant occupez qu’à s’aplanir le chemin qu’on leur avoit montré, l’Invention & le Deſſein faiſoit toute leur étude.

Enfin aprés pluſieurs années, le bon Génie de la Peinture ſuſcita de grans Hommes dans la Toſcane, & dans le