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Page:Académie française - Recueil des discours, 1840-1849, 1re partie, 1850.djvu/441

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discours de réception.

time entre un écrivain et son lecteur. Mais il vivait dans un siècle rude et cruel. La guerre commençait contre la pensée et l’intelligence ; les bûchers s’allumaient autour de lui ; il combattait, et ce n’est pas sur le champ de bataille qu’il faut s’attendrir.

Né dans un temps plus malheureux peut-être, mais plus éclairé, M. Nodier n’emprunta à Rabelais que l’ingénieux mécanisme de son style. Il trouva dans son propre cœur le moyen de plaire et de toucher. Son âme tout entière se reflète dans ses écrits, qui semblent inspirés par la maxime de Térence :

Homo sum ; humani nihil a me alienum puto.

On peut dire de M. Nodier qu’il était tout imagination et tout cœur. De là les qualités si originales qui brillent dans ses ouvrages ; de là aussi leurs imperfections. Pourquoi le tairais-je en effet ? N’y a-t-il pas telle critique qui est encore un éloge ? Cet homme, qui occupe une place si particulière dans la littérature contemporaine, a-t-il fait tout ce qu’il pouvait faire ? Quand on relit ces vers charmants échappés, pour ainsi dire, à sa première jeunesse, on se demande comment s’est tue cette voix mélodieuse, qui nous eût rendu peut-être André Chénier. Quand on admire cette prose savante, où l’art des mots et des tournures n’ôte rien à l’élégante facilité du langage, on regrette qu’un si merveilleux instrument n’ait pas été employé à des œuvres plus sérieuses ; on voudrait qu’il eût moins sacrifié à des goûts fugitifs, et, si j’ose m’exprimer ainsi, à des modes littéraires. Si l’on se rappelle, enfin, ce que vous savez, Messieurs,