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discours de réception.

rités du style, mais fidèle pour lui-même aux règles du goût le plus scrupuleux ; et, dans le cours d’une carrière où l’inconstance de son esprit et la flexibilité de son talent ont fait souvent mettre en doute la rigueur de ses principes et la fermeté de ses convictions, respectant toujours la langue dans ses discours et dans ses écrits, et vouant ses jours sérieux à des travaux philologiques qui seront ses plus beaux titres à l’estime de l’avenir.

Tel a été l’homme de lettres ; suivons-le sur la scène du monde et dans l’intimité de la famille.

Dès ses premières années, quand des lois cruelles pesaient sur la France, il arrache à la mort une femme coupable d’un souvenir pour son époux jeté sur la terre étrangère. Charles Nodier apprend que son père est le juge de cette infortunée il le supplie, il embrasse ses genoux ; ses larmes trouvent le magistrat inflexible ; mais la preuve s’échappe des mains du père attendri, et la victime est sauvée.

Vingt-cinq ans plus tard, en des jours de réaction, où il y avait d’autres lois et d’autres proscrits, un administrateur, qui avait protégé sa jeunesse, porté sur une liste d’exil, gémit loin de la France, loin de sa famille ; soudain M. Nodier voit, prie, importune les ministres ; aucun obstacle ne l’arrête, aucun refus ne le fatigue, et bientôt il presse son vieil ami dans ses bras.

Mais d’autres noms étaient inscrits sur ces tables fatales ; les vainqueurs de la veille y avaient jeté pêle-mêle des hommes de toutes les conditions de tous les rangs, des magistrats, des poëtes, des guerriers ; il invoque les lois méconnues, il rappelle des services oubliés ; sa voix énergique et suppliante demande justice pour les talents proscrits, pour la gloire