Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/100

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heur, nous le verrons bientôt ; mais il faut, avant tout, que vous me permettiez de dire un mot de vos débuts.

Or, à vingt ans, le roman n’était pas votre rêve, c’était du drame que vous étiez épris. À peine échappé du collège, un soir, presque en cachette, vous aviez vu représenter votre premier ouvrage. Encore un trait de ressemblance avec votre prédécesseur. Comme lui, vous faisiez résistance à endosser la robe d’avocat ; vous aviez même ardeur au théâtre, même tiédeur au palais. Mais, plus heureux que lui, c’était devant un père que vous plaidiez pour votre vocation, un père tendrement aimé et doucement sévère, qui ne combattait vos désirs que pour mieux vous contraindre à lui prouver votre constance, et qui allait être bientôt le confident heureux et le juge éclairé de vos travaux et de vos succès ! Pardonnez-moi, Monsieur, de réveiller ces souvenirs ! Les affections de famille, les joies intimes du foyer, font partie de votre talent : ce serait un oubli sans excuse, quand on doit parler de vos œuvres, que d omettre les leçons pratiques reçues par vous dès votre enfance.

Vos premiers essais dramatiques, sans avoir été malheureux, n’avaient pas eu l’éclat que vous étiez en droit d’attendre. C’étaient des victoires incertaines, dont tout l’honneur n’était pas même à vous, car vous n’aviez essayé du théâtre qu’avec l’aide de quelques amis. Cet usage, vainement combattu, de mettre en société l’art de penser et d’écrire, ce n’est pas aujourd’hui, presque en présence de M. Scribe, devant l’autorité de son exemple, que j’en voudrais mal parler. Je reconnais d’ailleurs que ce genre de culture produit chez nous certaines fleurs qu’un travail solitaire serait inhabile à faire éclore ; mais pour quelques es-