Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/109

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Rien de plus neuf assurément, au temps où nous vivons, que cette chaste légende. Trouver dans un tel sujet les éléments d’un récit agréable et accessible à tous ; glisser au milieu des écueils dont il est hérissé ; mêler au tissu d’une fable le nom du christianisme et ses vérités éternelles, d’une main respectueuse et cependant légère ; éviter à la fois et les fadeurs de la mysticité et les austérités du catéchisme ; en un mot, faire admettre dans nos salons, que dis-je, admettre ? aimer, adopter, applaudir cette contemporaine des martyrs, ce n’était pas une œuvre sans péril ; il y fallait votre courage aidé de tout votre talent. Vous n’avez rien épargné : jamais vous n’aviez fait preuve d’un art aussi consommé et déployé tant de ressources ; tracé d’aussi piquants portraits ; groupé d’aussi vivantes scènes ; rendu avec un tel bonheur les détails de la vie du monde ; mais, en vous élevant à cette mise en œuvre, plus fine encore que de coutume, avez-vous renoncé à ces moyens d’effet, d’un choix trop peu sévère, à ces importations étrangères à votre sol et à votre culture, que ça et là, dans quelques-uns de vos ouvrages, vous laissez s’introduire comme par contrebande ? Les avez-vous au moins prohibés cette fois ? Non, ces mêmes disparates existent dans Sibylle, et aggravées en quelque sorte par le surcroît d’élégance et de distinction qu’on y rencontre si souvent. De là vient que ce roman, dont le sujet, il est vrai, soulève un genre d’objections inconnu à votre Jeune homme pauvre, mais qui sur tant de points lui est, selon moi, supérieur, n’a pas obtenu, ce me semble, malgré son immense succès, une faveur aussi incontestée. Pour désarmer toute critique, n’aurait-il pas suffi de simplifier quelques ressorts, d’éteindre certains