Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contrastes, de supprimer certains coups de théâtre ? Aussi, les seuls conseils qu’il vous importe d’écouter se bornent à ces deux mots : « N’ajoutez rien aux dons heureux qui vous sont naturels, ne cherchez qu’à les épurer. N’empruntez pas d’inutiles instruments qui vous contraignent à forcer votre voix. Soyez vous-même, et ne soyez que vous. » Je ne vous parlerais pas avec cette franchise si je tenais votre talent en moins sérieuse estime et si j’avais moins d’ambition pour vous.

Maintenant puis-je entreprendre la tâche qui me reste ? Après le brillant portrait, l’élégante et fidèle étude tracée par vous tout à l’heure, puis-je parler de M. Scribe ? N’avez-vous pas donné tous les détails de sa physionomie, et lui-même, devant un miroir, essayant de se peindre, les aurait-il mieux rendus ? Il n’est à mes yeux qu’une excuse pour me faire accepter ce devoir, et cette excuse, c’est mon âge. J’ai l’avantage, si c’en est un, d’avoir vu de mes yeux et le temps et les choses dont vous parlez si bien.

Cette question d’âge, en effet, n’est pas ici sans importance. Pour ceux qui entraient dans la vie quand M. Scribe déjà célèbre continuait de grandir à vue d’œil, sa personne et son nom conservent aujourd’hui un autre caractère, il apparaît sous un autre jour, je dis plus, il est un autre homme que pour ceux qui ont commencé à le connaître au temps où ses conquêtes commençaient à lui échapper. Les premiers ont suivi, jour par jour, les incessantes productions de cette veine intarissable ; ils ont vu les envahissements continus de cette renommée régnant d’abord sur deux de nos théâtres, puis sur trois, puis sur quatre, s’emparant de toute la province, de là s’étendant sur l’Europe, la domi-