Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/118

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d’œuvres du genre, que même en rêve on n’eût osé prévoir, union féconde de deux arts qui doublent leur puissance en s’aidant avec discipline, sans lutte et sans jalousie. Mais je ne fais ici ni la revue des œuvres, ni l’histoire du talent de notre illustre confrère : je tente seulement, comme dernier hommage, d’esquisser sa figure telle que je la comprends.

Sois-je parvenu à démêler dans l’ensembie inégal de cette physionomie les traits saillants qui la caractérisent ? Ai-je bien fait sentir que, pour peser la valeur d’un tel homme, il y a stricte justice à se placer en regard de ses anciens triomphes ; a mesurer du compas, sur la carte, l’étendue de sa célébrité ; à calculer enfin la somme de plaisirs, d’émotions, de surprises, de doux moments, de riantes soirées dont il a gratifié ses semblables ? C’est entouré de ce cortège qu’on doit le voir et le juger. Sans doute il est, en ce monde, des esprits toujours jeunes, qui pour être admirés et compris n’ont pas besoin qu’on évoque leurs primitifs admirateurs. Ils sont de tous les âges, parce que leur regard prévoyant, sans trop s’attacher au costume, a pénétré jusqu’à l’homme lui-même. La gloire, la gloire suprême n’appartient qu’à ceux-là : ils sont grands dans le temps ! Mais c’est bien quelque chose aussi que d’avoir été grand dans l’espace, et Scribe à cet égard ne laisse rien à désirer. Son œuvre pourra périr, ou du moins s’altérer en partie, qu’importe ? Il est supérieur à son œuvre et n’en vivra pas moins. Son nom est désormais inscrit aux premiers rangs de l’aimable cohorte chargée, de siècle en siècle, par la bonté divine, d’égayer nos tristesses, et, comme dit le sage de la fable.

De se donner des soins pour ie plaisir d’autrui.