Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/128

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gloire, des fautes même de ses pères ; et, quand cette succession est celle de la France, elle vaut bien quelques litiges à soutenir.

Les préparatifs de départ du futur missionnaire étaient faits, quand un jour, en se réveillant au fond du quartier Latin où il habitait, il entendit le grondement lointain du canon. Le bruit venait du côté du fleuve et du Louvre. Il courut aux nouvelles, revêtu d’habits séculiers. En approchant de la Seine, il aperçut au-dessus du palais des rois une colonne de fumée, à travers laquelle on distinguait le drapeau d’une révolution. C’était une révolution, en effet, prompte et triste réponse aux rêves d’un coup d’État royal.

Ah ! Messieurs, nous les connaissons tous, ces journées où le sort d’une nation se décide dans les douleurs d’un combat civil. Tour à tour vainqueurs ou vaincus, tous les partis de France en ont éprouvé les angoisses ou les joies lugubres : ici le regret des fautes de la veille, et là le poids de la responsabilité du lendemain ; et, entre la fidélité qui pleure et l’espérance qui s’effraye de son triomphe, le tressaillement de toutes les convoitises qui s’éveillent et le tremblement de tous les intérêts éperdus. Aucun de ces sentiments ne traversait l’âme du jeune prêtre pendant qu’appuyé sur le parapet du quai, il suivait de l’œil la chute d’une royauté de dix siècles. Il n’apercevait ni les uniformes déchirés, ni l’insurrection victorieuse : il ne regardait qu’une chose ; il regardait tomber l’alliance des vieux pouvoirs humains et de l’Église. Le tranchant d’un glaive d’en haut venait d’en couper le lien. La monarchie périssait : l’Église ne pouvait périr. Puisque l’Église n’avait pu communiquer à une dynastie royale l’éternité de sa vie divine, il ne lui restait