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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/130

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d’enfermer les esprits dans les conséquences impitoyables d’une idée unique. La pensée profondément fausse que toutes les difficultés de ce monde peuvent être levées par l’application d’un seul principe ; cette pensée, qui avait dicté à Rousseau le Contrat social, était celle aussi de Lamennais. À tout prix il lui fallait, pour régler toutes les affaires humaines, une formule simple pouvant servir de point de départ à un raisonnement rigoureux : plutôt que de renoncer jamais à ce besoin de sa nature et à cette condition de son talent, il était destiné à chercher successivement ce premier principe dans les opinions les plus différentes et à changer plusieurs fois de système sans jamais changer de méthode. Tant que la Restauration avait duré, l’union de l’Église et de l’État lui avait fourni l’axiome désiré, et il en avait déduit toutes les conséquences, jusqu’à effaroucher la fierté des héritiers de Louis XIV. Un roi maître absolu des peuples et serviteur passif de l’Église, c’était l’idéal politique qu’il avait rêvé. Quand 1830 eut dissipé les dernières fumées de cette chimère, de dépit ou d’instinct il passa résolument à l’extrémité opposée. S’emparant de tous les principes du gouvernement nouveau, il les poussa à l’extrême, c’est-à-dire à l’absurde, avec la même intempérance de logique servie par la même intolérance de caractère. La confusion de l’Église et de l’État n’était plus possible : ce fut le divorce absolu qu’il réclama. Une révolution avait triomphé : il poussa à l’insurrection universelle. Il ne pouvait plus demander la tête des hérétiques : ce fut à la liberté illimitée de la presse, de la parole et du culte, qu’il aspira. Au fond, ces grands raisonneurs sont plus sujets qu’on ne pense à ces conversions sur place. Le beau idéal des sciences de raisonnement pur n’est-