Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/145

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nesse, dont elle dirige l’ardeur, à étudier les leçons de cette scolastique qu’on pourrait appeler la philosophie du cloître, comme l’antiquité a eu celle du portique. Convenez qu’à voir ce que vous avez tous dit et pensé des moines et des couvents, il n’est pas bien surprenant que celui qui devait un jour s’asseoir parmi vous ait songé à revêtir la robe qu’avaient portée saint Thomas d’Aquin, Fra Angelico et Savonarole.

Mais vous m’arrêtez sur ce mot, et le Père Lacordaire m’aurait fermé la bouche avant vous. Non, le vœu qui enchaîna sa noble vie ne lui fut dicté ni par une fantaisie de poëte, ni même par une pensée d’historien. Le dessein qu’il avait conçu, ce n’était pas de réhabiliter un grand ordre religieux, mais de le ressusciter : ce n’était pas du passé qu’il racontait, c’était une œuvre vivante et présente qu’il voulait léguer à l’avenir. Voyait-il juste et pensait-il sagement ? En croyant les congrégations religieuses utiles et possibles parmi nous, avait-il bien mesuré les conditions du temps présent, les besoins de l’Église et de la société ? Je ne me permettrai pas de parler pour l’Église. Le Père Lacordaire seul aurait pu vous dire avec l’autorité suffisante que les ordres religieux sont dans l’Église les milice de l’enseignement et les types de la perfection, et que là où ils viennent à manquer le bras du ministère sacré est raccourci et la vie chrétienne est découronnée : en un mot, suivant l’heureuse et précise expression d’un célèbre historien qui est aussi l’un d’entre vous[1], que l’institut monastique est le dernier

  1. M. Mignet, Mémoires sur l’introduction de la Germanie dans la société civilisée au VIIe siècle.