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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/146

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degré de concentration du christianisme. Mais, citoyen en même temps que prêtre, il avait de plus, pour justifier le rétablissement des ordres religieux, des considérations d’une autre nature, plus terrestres et plus humaines, par là même bien inférieures à aes yeux, mais pourtant les seules que je puisse sans présomption essayer de reproduire ici.

Les associations en général, — non pas seulement celles dont le sentiment religieux est le mobile, mais toutes les associations qui poursuivent un but conforme à la raison, et avoué par l’intérêt public, — bien loin de lui paraître déplacées parmi nous, lui semblaient au contraire merveilleusement appropriées à une société dont tous les membres ont subi le niveau de l’égalité et ne sont plus unis entre eux par aucun lien de classe ou de corporation légale. Le danger d’une telle société, pensait-il, c’est qu’en face d’individus isolés, tous réduits à une égale modicité de fortune et d’influence, divisés d’intérêts comme d’opinions, ne s’élève sans résistance la grandeur oppressive et colossale d’un pouvoir unique ; c’est que, sous prétexte du bien public, un grand être anonyme et collectif, — seul riche au milieu de citoyens pauvres, — seul assuré du lendemain, au milieu de familles dont chaque génération voit morceler l’héritage, — seul disposant de bras armés en face d’une tourbe sans défense, — l’État, en un mot, ne finisse par tout absorber en lui-même et tout étouffer sous sa masse. Ce péril, suivant Lacordaire, était déjà visible parmi nous à plus d’un indice. N’en avez-vous pas vous-mêmes, Messieurs, surpris parfois le signe pour ainsi dire matériel, en jetant les yeux par exemple sur quelqu’un de ces grands édifices, monuments du passé, ces châteaux, ces cloîtres,