Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/151

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Disons, à l’honneur de notre âge, qu’il n’a pas eu à se plaindre de ses comtemporains. Sa nouvelle qualité fut acceptée, après quelque surprise, par un public en qui l’usage de la liberté développait le sentiment de là justice, et par un gouvernement moins attentif à imposer toute la rigueur des lois qu’à les respecter pour lui-même. Puis, quand ce gouvernement en eut rejoint tant d’autres dans l’abîme, deux élections bien différentes sont venues lui apporter successivement le libre témoignage d’une même estime. En 1848, le département des Bouches-du-Rhône, faisant la première épreuve du suffrage universel, le désigna pour prendre place dans l’assemblée qui était chargée de constituer la république. En 1860, un an avant le terme de sa noble vie, vous l’avez appelé dans cette Académie. Je parlerai comme lui-même en affirmant que, de ces deux appels, celui qui le toucha le plus ce fut le vôtre.

Il ne parut qu’un jour à la tribune de l’Assemblée constituante. Il ne lui en fallut pas davantage pour s’apercevoir que sa présence au sein d’un corps politique si troublé n’y pouvait être le signe d’une liberté sérieusement conquise, mais une image, entre mille autres, de la confusion générale des esprits. Il vit qu’il n’était pas porté là par le cours d’un progrès régulier, mais par une marée passagère. Il prévit le reflux et ne voulut pas l’attendre.

Votre choix, au contraire, sagement mûri comme tout ce qui part de vous, est venu le chercher dans la retraite, alors qu’attristé du grand silence qui succédait à la tempête, il avait fait taire une voix dont il craignait de ne pouvoir modérer le retentissement. Retiré dans la maison d’éducation de Sorrèze, il s’y livrait tout entier à la tâche modeste de for-