Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/152

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mer des intelligences naissantes par l’étude comparée des chefs-d’œuvre du génie antique et du génie chrétien. C’est là qu’il m’a été donné de le voir pendant des heures trop courtes qui ne sortiront pas de ma mémoire. J’ai vu, sous des ombrages séculaires plantés par les moines d’autrefois, ce moine d’aujourd’hui entouré d’une jeunesse d’élite qui venait auprès de lui fortifier son âme par les certitudes victorieuses de la foi, contre les défaillances passagères de la liberté. C’est dans cette paix active du cloître que vous l’avez surpris. Vos suffrages honoraient en lui ce don de l’éloquence, précieux entre tous ceux qu’il vous appartient de couronner, et d’autres qualités littéraires autant que morales : une ingénuité hardie dans l’expression de sa propre pensée ; un respect constant pour celle d’autrui, même en la combattant. Mais, en dehors de ces titres si légitimes, ce choix n’avait-il pas encore une plus haute signification ? La France, qui vous regarde, l’a cru, Messieurs, et vous a supposé des motifs que vous n’auriez pas contredits. Elle a considéré que, si vous n’aviez voulu que compléter l’illustration de votre compagnie en ouvrant vos rangs à l’alliance du talent et du sacerdoce, vous n’aviez pas de nouvelle recherche à faire : car la place sur laquelle plane le souvenir de Bossuet et de Fénelon n’était pas vacante parmi vous. Mais notre histoire rapporte que c’est au sein de cette Académie que des Français, séparés par des distinctions arbitraires, se sont pour la première fois traités de confrères et rencontré sur un terrain d’égalité. Ces distinctions, qui ont cessé d’être, ont pourtant laissé derrière elles toute une suite de méfiances et de préjugés que des passions envieuses et basses s’obstinent à raviver, et le Père Lacordaire dans toute sa gloire, victime