Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/157

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morale dont les nations ne peuvent pas plus se passer que les individus. Oui, voilà bien le dominicain libéral que nous avons aimé et admiré, qui embrassait dans son ardent amour du pays la France des croisades et la France de 89, celle de saint Louis et celle du général Drouot ; voilà bien le moine aimé du monde et de la foule, que nous avions nommé en dépit de quelques étonnements, et que le public a reçu dans cette enceinte avec tant de faveur et d’empressement.

Vous vous souvenez, Monsieur, de la réception de M. Lacordaire : quel concours ! quelle foule dans l’élite ! quelle sympathie de toute sorte et de tout rang ! Il y avait, certes, dans la réception de M. Lacordaire de quoi expliquer cet empressement : un illustre orateur recevant un illustre prédicateur, un protestant recevant un dominicain, M. Guizot et M. Lacordaire se rapprochant de si loin, et la conformité des sentiments libéraux effaçant la différence des cultes ; quel signe plus manifeste de notre temps, et quel témoignage plus expressif de l’esprit de notre société ! Le spectacle assurément était encore plus grand qu’il n’était singulier. Je ne voudrais pas affirmer que les contrastes n’aient pas œ jour-là un peu excite l’empressement du public : et cependant vous le voyez, Monsieur, cet empressement est le même aujourd’hui pour vous, quoique vous portiez notre habit. Mais je suis persuadé que si la curiosité du public cherchait de piquants contrastes, sa raison, cherchait aussi dans cette séance les grandes harmonies morales et politiques qu’elle s’est applaudie d’y trouver.

J’ai souvent entendu dire qu’il y avait, dans le père Lacordaire, trop du démocrate et trop du tribun populaire