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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/169

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Dieu destine par leur génie à commander à leurs semblables, il avait avant tout le sentiment et comme l’instinct des désirs et des périls de la société qu’il gouvernait. » C’est là, Monsieur, ce qui fait l’esprit politique qu’il ne faut ni trop élever ni trop rabaisser, et que vous jugez à merveille dans Constantin : esprit qui n’est ni la supériorité des logiciens, ni celle des orateurs, ni celle des savants, qui est pourtant aussi une supériorité, toute à part, qui comporte au-dessous d’elle beaucoup de qualités médiocres qui ne la gênent et ne l’altèrent pas, qui souvent même lui rendent le service de la cacher et font que son action est plus sûre, étant moins exposée à l’envie.

Le portrait que vous avez fait de Julien n’est pas moins vrai et moins expressif que celui de Constantin, non que vous cherchiez à faire des portraits dans votre histoire. Vous marquez d’un trait vif et net les figures de vos héros, à mesure qu’ils passent devant vous ; et ce sont ces traits qui, en se rassemblant dans la pensée de vos lecteurs, font la physionomie caractéristique de vos principaux personnages.

Julien est aussi une énigme dans l’histoire. Qu’est-ce que ce prince singulier, général habile, soldat courageux, qui fait de son règne, préparé par de grandes victoires, une comédie moitié mythologique, moitié philosophique, dont il a seul le secret et l’illusion ? qu’est-ce que ces dieux réhabilités par décret de l’empereur, qui ont des courtisans plutôt que des adorateurs ? qu’est-ce enfin que Julien lui-même, un archéologue païen arrivé à la dévotion par l’érudition, ou un politique et un patriote romain qui veut anéantir dans le christianisme une force qu’il croit étrangère et contraire à