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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/190

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récit de ces difficultés, toujours surmontées à force de persévérance et de courage, s’élève par sa simplicité même jusqu’à l’intérêt le plus dramatique. M. Biot put exposer en 1811, devant l’Académie des sciences, le résultat de ses laborieuses investigations ; mais M. Arago, pris au retour par des pirates, dut subir dans les prisons d’Alger une captivité dont la France tirait, vingt ans plus tard, une vengeance glorieuse.

Biot et Arago, deux noms que ne séparera pas l’histoire de la science et que l’amitié aurait unis pour toujours, si les tristes difficultés de la vie ne troublaient jusqu’aux plus nobles cœurs ! Plus jeune que M. Biot de dix ans, M. Arago était aussi sorti de l’École polytechnique. Il avait rencontré, dans celui qui fut son premier protecteur, une bienveillance devenue peut-être moins active lorsque le disciple put apparaître comme un rival. M. Biot n’aurait point à regretter que l’on recherchât la part respective des torts, dans ce commerce où la grandeur de l’intelligence ne parvint pas à triompher toujours des faiblesses de la vanité. Si rapprochés que fussent d’ailleurs ces deux hommes par la longue communauté de leurs travaux, il semblait que la nature eût tout fait pour les séparer. Ibérien par le génie comme par le sang, l’un avait besoin de répandre dans la foule les ardeurs de sa parole et de son âme ; type accompli de l’esprit gaulois dans sa plus élégante simplicité, l’autre avait plus de sagacité que de verve, et préférait à la popularité du succès les approbations d’un cercle choisi. L’un avait le goût de la vie publique autant que l’antre en éprouvait l’antipathie, et, pendant que celui-là accueillait les innovations politiques même les plus chanceuses, celui-ci semblait repousser les transformations même les plus nécessaires, se rejetant dans le passé aussi résolument que son